Emma Peel, ans et toujours aussi moderne

En 1965, un personnage féminin bouleverse les codes de la télévision britannique et devient un symbole de l’époque : Emma Peel. Interprétée par Diana Rigg dans Chapeau melon et bottes de cuir, elle succède à Cathy Gale (Honor Blackman) et se distingue immédiatement par son caractère moderne, sa force et son indépendance. Soixante ans plus tard, son héritage est toujours aussi puissant, et elle reste l’une des héroïnes les plus emblématiques de la télévision.

Une héroïne en avance sur son temps

Dès sa première apparition, Emma Peel se distingue de ses prédécesseurs. Elle n’est pas une simple assistante ou une figure secondaire. Elle est intelligente, autonome et n’hésite pas à se battre aux côtés de John Steed, son partenaire. Emma est experte en arts martiaux, brillante scientifique et possède un sens de l’humour acéré. Elle devient ainsi l’incarnation d’une femme moderne : forte, indépendante et capable de faire face à n’importe quel danger. Ce personnage brise les stéréotypes de l’époque et fait d’Emma Peel l’un des modèles féminin à la télévision des années 60 et au delà.

Un style inoubliable

Si le personnage d’Emma est avant-gardiste dans ses actions, il l’est tout autant dans son style vestimentaire. Habillée par le créateur John Bates1, Emma affiche des tenues audacieuses, notamment ses célèbres combinaisons en cuir, des robes graphiques et un look sophistiqué qui symbolisent l’élégance des années 60 et l’ère du Swinging London.

La saison suivante, elle laisse de côté ses combinaisons en cuir pour des combinaisons colorées avec chaussures assorties, toutes aussi attractives. Bleues, oranges, violettes, jaunes… La série est désormais en couleur, et il faut en profiter. Ces combinaisons, spécifiques au personnage, auront même un nom : les célèbres Emmapeelers.

Son style vestimentaire est indissociable du pop art et de la mode iconique de l’époque, transformant Emma en une véritable icône de mode, voire en sex-symbol. À ce sujet, elle a déclaré au journal Le Parisien avoir mal vécu ce nouveau statut.

« Je me sentais rabaissée, parce que j’étais bien plus que cette simple image de femme sexy. D’ailleurs, la combinaison en cuir que je portais était très inconfortable, et me faisait transpirer beaucoup, ce n’était vraiment pas sexy, en vrai (rires) ! »

Le Parisien du 6 avril 2019 par Stéphanie Guerrin, envoyée spéciale à CannesSéries

Un impact durable

Même après son départ de la série en 1967, après seulement deux saisons, Emma Peel reste un personnage inoubliable. Son influence dépasse celle de Chapeau melon et bottes de cuir et inspire encore aujourd’hui des héroïnes dans de nombreuses productions de fiction. Que ce soit des personnages comme les James Bond girls ou d’autres figures féminines puissantes de la pop culture, Emma Peel demeure un modèle d’indépendance et de puissance féminine. Elle reste une icône intemporelle.

Le groupe de rock brestois Matmatah en a même fait une chanson dans les années 90. Les rediffusions incessantes sur M6 y sont probablement pour quelque chose. Ainsi, ils ont écrit et chanté Emma.

Et ma télé est allumée, Emma t'es là
Et dire que ma journée est à peine entamée
Emma, tu m'as déjà scotché au canapé
Emma, t'es vraiment dix fois plus belle que Tara

Plus tard, le groupe expliquera qu’Emma fait aussi référence à une drogue… Chacun y voit ce qu’il voudra. Mais Emma Peel fait-elle l’objet d’addictions malsaines ? Sans doute !

On peut également évoquer un autre hommage à Emma Peel en musique avec la chanson Emma Peel du groupe américain The Allies, sortie en 1999. C’est là encore l’expression d’une addiction délirante au personnage d’Emma Peel.

I'm in love with Emma Peel
Smooth as ivory, heart of steel
Wanna know the way she feels
Wanna touch her

Au-delà de ces chansons, Diana Rigg a dû affronter la célébrité et l’insistance de téléspectateurs éperdument amoureux de son personnage.

« C’était un peu effrayant », dit Rigg, qui avait à l’époque une vingtaine d’années. « Gardez à l’esprit que c’était il y a 50 ans. Je ne savais pas trop quoi faire avec un tel degré de désir. J’avais étudié à l’école d’art dramatique à Londres et je n’étais pas du tout naïve. Mais se voir accorder un tel degré de notoriété a été un choc. »

New York Post, par Barbara Hoffman, publié le 12 avril 2018

Emma Peel : une genèse marquée par un changement d’actrice

Tout commence à la fin de l’épisode Le Quadrille des homards, diffusé le 21 mars 1964 sur ABC Weekend Television. À la fin de l’épisode, Cathy quitte Steed pour rejoindre les Bahamas. En effet, Honor Blackman avait décidé quelques mois plus tôt de quitter la série pour incarner Pussy Galore dans Goldfinger (Passer de Cathy Gale à Pussy Galore, n’est-ce pas la preuve d’un dialogue entre The Avengers et James Bond ?). La scène est cordiale : Steed offre même un maillot de bain à sa partenaire. Ils se quittent en très bons termes. Mais à peine est-elle partie que Steed passe un coup de téléphone à quelqu’un qu’il semble déjà bien connaître… C’est Emma Peel, mais à ce moment-là, on ne connaît pas encore son nom. Il lui propose de le rejoindre pour un ciel bleu et des plages interminables. Pense-t-il déjà à Bazeley-les-Flots ? Voyage sans retour sera le tout premier épisode de la saison à être tourné mais diffusé en milieu de saison.

La production de la série est donc dans l’obligation de changer de partenaire. Outre ce changement notable, on change aussi de dimension avec le passage au film 35 mm, une production qui se fait aussi à l’extérieur des studios et donc des budgets plus conséquents.

Et la nouvelle Emma Peel ? Elle devait être blonde, comme Cathy Gale. Son interprète ? Elizabeth Shepherd, oui, Elizabeth Shepherd (1936) et non Diana Rigg. Vous n’avez jamais vu cette actrice dans le rôle d’Emma ? C’est normal. Un épisode a été tourné (The Town of No Return) et un autre entamé (The Murder Market). C’est Julian Wintle qui va l’engager, sans lui faire passer de casting. Elle reçoit pour instruction de participer à l’élaboration de son personnage, mais les choses ne se dérouleront pas ainsi : Elizabeth Shepherd n’a pas convaincu la production.

Une fille de missionnaire a été choisie pour remplacer Cathy Gale, l’experte en judo vêtue de cuir et de bottes moulantes de la série populaire The Avengers d’A.B.C. Elle s’appelle Elizabeth Shepherd, 28 ans. Comme Honor Blackman, qui a créé le rôle, elle a les cheveux blond miel. Contrairement à Miss Blackman, elle ne portera pas de costumes en cuir ni ne sera une experte en judo. Et elle ne s’appellera pas Cathy. Ce qu’elle sera, nous le découvrirons plus tard. Le producteur Julian Wintle a déclaré : « Elle a une personnalité formidable et un physique agréable – tous les ingrédients pour la série. » Miss Shepherd, qui possède une licence en arts (Bachelor of Arts), est apparue comme une agente secrète sur ABC en juillet dans Time Out of Mind. Elle a étudié le théâtre classique shakespearien et le drame moderne à l’Université de Bristol. Elle a rencontré son coéquipier des Avengers, Patrick Macnee, qui joue John Steed, l’agent spécial extraordinaire. Le contrat pour The Avengers, d’une valeur de milliers de livres, a été signé il y a quelques jours – avant que Miss Shepherd ne parte en vacances à Naples. Elle revient à Londres la semaine prochaine et commencera à travailler sur la série le mois prochain. Elle devrait être diffusée début 1965. M. Macnee a déclaré hier soir : « Elizabeth est très belle. Elle a un menton fendu et j’adore les mentons fendus. » Miss Blackman, 38 ans, a quitté la série au printemps pour jouer le rôle de Pussy Galore dans le film de James Bond Goldfinger.

Daily Mail, Douglas, Marlborough, 20 octobre 1964, page 3 – source : Deadline

En 1965, The Town of No Return devait marquer l’arrivée de la nouvelle partenaire de Steed. Mais après des complications avec Elizabeth Shepherd, qui n’arrivait pas à trouver la complicité avec Patrick Macnee (Steed), la production décide de lui chercher une remplaçante. Cette décision coûte cher, 120 000 £, à la série, mais elle se révèle judicieuse. Mais les torts sont très probablement partagés en ce qui concerne cet échec.

On apprend dans The Complete Avengers de Dave Rogers que la garde-robe de Mrs. Shepherd, dont la valeur était de 600 £, était une création de la New-Yorkaise Bonnie Cashin2. La tenue la plus emblématique était une combinaison en cuir rouge, portée avec des bottes en cuir rouge montant jusqu’aux cuisses et un seul gant en cuir noir, utilisé pour administrer ses coups de karaté aux vilains.

On apprend également qu’Emma Peel devait être une épéiste de haut vol, une experte en armes à feu et à l’arc. L’actrice n’était pas une novice : son expérience importante dans des rôles shakespeariens aurait dû lui permettre d’aborder son rôle avec plus de sérénité.

Aujourd’hui, il ne reste plus de traces de ces épisodes oubliés, et c’est bien dommage, d’autant que The Town of No Return avait été entièrement monté. S’ils venaient à réapparaître, ce serait un immense événement pour les fans.

Vingt actrices sont appelés pour des auditions, réduits à huit candidates, jusqu’à ce que Dodo Watts3 recommande à Clemens et Fennell de regarder The Hothouse dans Armchair Theatre. Les producteurs sont conquis par Diana Rigg et l’invitent aux essais. Bien que Brian Clemens préfère Moira Redmond, la production opte finalement pour Diana Rigg, et l’histoire est écrite.

Plus coriace que Cathy, cette nouvelle Avengers

Cathy Gale pouvait envoyer un homme au sol d’un simple mouvement du poignet. Mais même elle n’aurait aucune chance contre la jeune femme qui prend sa place dans la série The Avengers sur ITV.

Diana Rigg, actrice shakespearienne de 26 ans, commence aujourd’hui à travailler comme successeure de Cathy, la célèbre experte en judo incarnée par Honor Blackman. Brian Clemens, producteur associé de la nouvelle saison, la décrit ainsi : « Plus coriace que Cathy. Elle bouge comme un boxeur. » Son partenaire à l’écran, Patrick Macnee, ajoute : « Je suis bien content qu’elle soit de mon côté. »

Les responsables du programme avaient envisagé d’abandonner l’image d’Amazone de Cathy Gale, mais ont finalement décidé de la conserver. Ainsi, en plus d’apprendre son texte, la Yorkshireoise Diana Rigg, alias Emma Peel, a également pris des cours de judo.

Cependant, malgré ces similitudes, Emma Peel ne sera pas une simple copie de Cathy. La série intégrera davantage de comédie et des choix vestimentaires encore plus audacieux. L’émission vise le marché américain, mais sans faire de concessions aux styles en vogue aux États-Unis.

Mesurant 1,74 m et arborant une chevelure auburn, Diana Rigg déclare : « Après cinq ans passés au sein de la Royal Shakespeare Company, j’avais envie de changement. Je jouerai ce rôle à ma manière. Je ne ressemble en rien à Honor Blackman, ni comme actrice ni comme personnalité. »

Daily Mail, 15 décembre 1964, page 3 – source : Deadline

Bien que Diana Rigg n’ait pas été son premier choix, Brian Clemens ne tarit pas d’éloges à son sujet. Il faut reconnaître qu’elle excelle à tous points de vue. Voici ce qu’il déclarait à Wheeler Winston Dixon en 1997 :

Je faisais les storyboards comme Hitchcock le faisait à l’époque. J’étais totalement impliqué dans The Avengers, à un niveau très pratique. Cela peut sembler prétentieux, mais tout le style de la série, c’était moi. Diana Rigg était particulièrement agréable à diriger ; elle était encore très jeune, peu expérimentée, et pratiquement inconnue à l’époque, mais elle débordait de talent. Elle était très professionnelle ; je n’ai que des éloges à son sujet, et elle n’a jamais posé le moindre problème tout au long de la production. Elle s’amusait énormément sur le tournage ; nous tous, d’ailleurs.

Brian Clemens en 1997, Collected Interviews: Voices from Twentieth-Century Cinema, 2001

Prononciation du nom dans le doublage français

La bande-son originale confirme que le nom de famille Peel est prononcé à l’anglaise, avec le double « e » se prononçant « i » : Peel se dit donc « pil ».

Cependant, Télé Art qui était chargé d’adapter la série en français a, pour une raison inconnue, choisi de prononcer le double « e » comme un « è », transformant ainsi le nom en « pel ». Cette erreur est particulièrement notable dans la réplique récurrente de Steed : « Mme Peel, on a besoin de nous. »

Emma Peel a été doublée en français par Michèle Montel, puis dans une série de doublages plus tardifs par Francine Lainé dans la série (épisodes La mangeuse d’hommes du Surrey, Les fossoyeurs, Un Steed de trop, Dans sept jours le déluge, Le château de la mort, L’héritage diabolique), et enfin par Laurence Crouzet dans le film de 1998.

Les appartements d’Emma Peel

Nous aurons la chance, au cours de la période Emma Peel, de pénétrer dans deux de ses appartements (d’après The Avengers forever) :

  • Appartement avec terrasse à Hampstead, 1965-1966 (noir et blanc)
  • Appartement près de Primrose Hill, 1966-1967 (couleur)

Emma Peel vit précisément à Highpoint II jusqu’à la fin de 1966. L’immeuble fait partie d’un ensemble de deux bâtiments. Highpoint I fut le premier des deux immeubles d’appartements construits dans les années 1930 sur l’un des points culminants de Londres, en Angleterre, à Highgate. La conception architecturale fut confiée à l’architecte géorgien-britannique Berthold Lubetkin, la conception structurelle à l’ingénieur anglo-danois Ove Arup et la construction à Kier. La conception était si moderne que Le Corbusier lui-même déclara que ce bâtiment était de premier ordre. Trois ans plus tard, une seconde version fut construite juste à côté. On y ajouta deux statues (visibles dans l’épisode Maille à partir avec les taties) afin d’atténuer l’aspect très moderne des lieux.

Nous sommes dans les années 60, et ce que l’on voit à l’intérieur fait rêver de nombreux téléspectateurs. Nous sommes évidemment en studio, et Harry Pottle est le chef décorateur de cette saison 1965/1966. L’audace est au rendez-vous : une cheminée centrale et cylindrique trône au milieu du salon. Des canapés, une cuisine toute équipée, une chambre noire pour développer des photos (comme chez Cathy Gale), une chambre que l’on ne verra jamais (à quoi pensiez-vous ?).

« J’ai eu carte blanche pour la conception des décors. Ne sachant pas ce que les scénarios des prochains épisodes exigeraient, j’ai opté pour un ensemble flexible et contemporain, de style années 60 pour Emma, qui contrastait harmonieusement avec le décor de Steed et son thème militaire. L’ensemble était octogonal, avec des murs en retrait, des portes coulissantes recouvertes de tissu menant à la cuisine et à la chambre, un mur de fenêtres avec une porte donnant sur la terrasse (avec en fond un panorama peint), un mur avec une porte d’entrée. Il y avait un poêle central à hotte et un coin salon intégré. Une niche abritait un meuble à boissons dont le dessus coulissant permettait de montrer les verres et les boissons grâce à un élévateur à contrepoids. Les murs étaient facilement démontables pour créer un décor ouvert sur les côtés et faciliter le tournage. »

Harry Pottle dans The Avengers: The Inside Story

À l’occasion du passage à la couleur, Emma Peel change d’appartement. Cette fois, elle opte pour un appartement entièrement blanc avec des touches de rouge (murs, porte d’entrée et piano à queue rouges). Il est équipé d’une partie nuit dans laquelle nous n’irons jamais, même si de nombreux téléspectateurs masculins y auront secrètement songé.

Le séjour, immense, est dominé par un imposant bloc de béton qu’Emma Peel tentera de sculpter à l’aide d’un marteau-piqueur (on ne sait si c’est elle ou les voisins qui auront raison de son œuvre). Le mobilier est plutôt de style ancien, mais on n’y trouve aucune trace d’une cuisine. Une immense fenêtre de type bow-window éclaire la pièce. On note également une grande sonnette en métal, carrée, gravée du nom de la propriétaire.

À partir de l’épisode Le Tigre caché, Emma entreprend de grands travaux de décoration. Tout va changer, sauf les lieux. Désormais, l’appartement arbore des tons vert olive, avec des touches d’orange pour un effet plus chaleureux. Le mobilier suit la tendance moderne des années 60 : banquettes, tapis orange, nombreux tableaux aux murs (plutôt contemporains), une lampe, une balance de Roberval et une statue de pierre représentant un saint ?… On note le changement de sonnette d’Emma Peel : elle est toujours en métal, mais cette fois dans un style plus rococo, toujours gravée du nom de la propriétaire. Et pour ceux qui parviennent à trouver le bouton… la porte s’ouvre. Ce genre de détail faisait évidemment la joie des scénaristes à l’esprit mal placé.

Équipé du téléphone, cet appartement a de quoi faire rêver ceux qui, en 1967, cherchent à améliorer leur confort. On ne voit l’extérieur de l’appartement que dans l’épisode Caméra meurtre, mais déception : la scène est tournée en studio…

Les voitures d’Emma Peel : l’élégance et la vitesse au service du style

Dans Chapeau melon et bottes de cuir, Emma Peel ne se contente pas d’être une espionne redoutable et une femme de caractère : elle est aussi une conductrice émérite, toujours au volant de voitures aussi élégantes que performantes. À l’image de son style raffiné et moderne, ses véhicules reflètent son indépendance et son goût pour la vitesse. Ce sera la Lotus Elan4. Ce choix ne doit rien au hasard : légère, rapide et dotée d’un design novateur, elle colle parfaitement à l’image d’une héroïne dynamique et sophistiquée. Pour Steed, c’est tout l’inverse… Il pilotait une Vauxhall 30-98 de 1924 et plusieurs Bentley : une Tourer Open Bodyed de 3 litres de 1924, une « Green Label » de 3 litres de 1925, une 3 litres de 1928, une 4 ½ litres à carrosserie Harrison de 1929 et une « Speed ​​Six Long Chassis » de 1930. « Si Emma représente l’avenir de la Grande-Bretagne, Steed incarne le meilleur du passé », affirmait le guide de production, et le choix des voitures reflétait cette formule. 

Emma Peel conduit plusieurs versions de la Lotus Elan :

  • Lotus Elan S2 blanche de 1964 immatriculée HNK 999C (saison 1965/1966, en noir et blanc)
  • Lotus Elan S3 bleu poudré de 1966 immatriculée SJH 4999D (saison 1967, en couleur)

Ces modèles, reconnaissables à leur carrosserie racée et leurs performances impressionnantes pour l’époque, apportent une touche de modernité à la série. Leur association avec Emma Peel a d’ailleurs contribué à forger l’image sportive et glamour de Lotus.

Les génériques Emma Peel

Les génériques d’ouverture méritent qu’on s’y attarde pour analyser la manière dont Emma Peel évolue. En ce qui concerne la saison 1965/1966 en noir et blanc, le générique est une évolution de ce qui se faisait entre 1961 et 1963. Une succession de photos, parfois avec la caméra qui effectue un mouvement sur les photographies de Steed et Emma. John Steed ouvre la séquence en complet et chapeau melon. Il se saisit de son œillet à la boutonnière, qu’il tend à sa nouvelle partenaire habillée de sa combinaison de cuir noir. Elle est manifestement ravie de ce présent. Elle est par la suite habillée d’une toute autre manière. Un cadeau de Steed ? Très certainement. Cette séquence montre que la relation entre les deux agents n’est pas simplement professionnelle, mais de l’ordre amoureux. On n’offre pas des fleurs ou un habit à n’importe qui. Cela tranche furieusement avec la relation nettement moins ambiguë que Steed pouvait avoir avec Cathy Gale.

Le générique couleur 1967 est une vraie séquence grivoise. Brian Clemens avait l’habitude de dire que ceux qui avaient l’esprit mal placé pouvaient y voir des tas d’allusions à caractère sexuel. En effet, on y voit Steed tenant une bouteille de champagne qu’Emma Peel ouvre à l’aide de son arme à feu. Et le champagne jaillit tellement fort qu’on se demande si la bouteille ne s’est pas entièrement vidée… Il faut sans doute voir la séquence plusieurs fois avant de se rendre compte de ce que cela signifie. Nous ne sommes plus dans le marivaudage, mais dans l’explicite. Le reste de la séquence est d’une classe absolue. On y retrouve Steed en complet bleu avec chapeau melon et parapluie, Emma Peel en ensemble jaune du meilleur goût. Et cette fois, c’est Emma qui lui accroche l’œillet à la boutonnière. Ce générique est absolument sublime et montre une certaine égalité des forces entre les deux personnages.

Il y aura un remake avec Tara King, mais hélas, cela ne prendra pas. On y verra une agent 69 sous la protection de Steed sur fond orange. Heureusement, le générique avec la porte d’entrée vers le monde surréaliste des Avengers sera utilisé majoritairement. Mais c’est une autre histoire.

Emma quitte la scène, et Patrick fond en larmes…

Lorsque Diana Rigg, qui avait bien d’autres ambitions professionnelles – et vu son talent ainsi que son exigence d’actrice, on ne peut que la comprendre – décide de quitter la série, c’est un coup dur pour la production. Tout doit être revu : Fennell et Clemens quittent provisoirement la série (avant d’être rappelés à la rescousse), et une nouvelle partenaire doit être choisie parmi 200 jeunes femmes, toutes plus motivées les unes que les autres.

Charlotte Rampling, qui connaissait bien la série, tentera aussi de remplacer Diana Rigg, en vain. Finalement, celle qui succédera à Emma Peel sera tour à tour brune, blonde et rousse… Il s’agira d’une Canadienne nommée Linda Thorson.

Elle était différente de Diana Rigg : plus jeune, plus vulnérable, moins sophistiquée, mais avec son propre charme. Linda Thorson a fini par trouver sa place dans la série, même si elle n’a jamais atteint la popularité d’Emma Peel.

Brian Clemens en 1997, Collected Interviews: Voices from Twentieth-Century Cinema, 2001

Mais en coulisses, on se prépare à tourner l’ultime épisode avec Diana Rigg, intitulé Ne m’oubliez pas. Les téléspectateurs, eux, ne l’oublieront pas.

La dernière scène est particulièrement émouvante : Peter Peel, le mari d’Emma, vient d’être retrouvé dans la jungle amazonienne. Il revient naturellement chercher son épouse et l’arrache à Steed. Avant de partir, Emma murmure un dernier conseil à l’oreille de son fidèle partenaire :

« Conservez toujours votre chapeau melon sur la tête en période de danger, gardez-vous des esprits diaboliques qui pourraient vous menacer. »

Steed, ému, répond simplement :

« Je n’oublierai pas. »

Emma Peel : « Au revoir, Steed. »

L’émotion est palpable. Patrick Macnee a déclaré qu’après le tournage de cette séquence, il est entré dans sa loge et a pleuré.

Emma Peel part donc vers de nouvelles aventures dans la voiture de son mari… mais un détail attire l’attention : la silhouette du conducteur. Est-ce un rêve ? Non, vous ne rêvez pas, c’est bien Patrick Macnee !

Au revoir, Emma.

Un retour surprenant et un film

Ce retour, totalement improbable, a pourtant bien eu lieu à travers de petits films muets en Super 8. Aucune mention d’Emma Peel, et il ne s’agit pas non plus d’un projet porté par l’équipe d’ABC Weekend Television, mais d’une production entièrement indépendante, dont on sait finalement peu de choses, sinon que Diana Rigg y tient le rôle principal.

Nous publierons bientôt un dossier sur le sujet. Ces films incluent Das Diadem, longtemps considéré comme tourné en noir et blanc, mais dont une version couleur existe, ainsi que quatre épisodes en couleur de Minikillers (Operation Costa Brava, Heroin, Macabre et Flamenco). Ces derniers reprennent la police de caractère Compacta des Avengers, ce qui ne laisse aucun doute sur la volonté de pasticher ou d’imiter le style de la série.

Pour finir, n’oublions pas l’interprétation d’Emma Peel par Uma Thurman dans le film The Avengers de 1998. Il y aurait beaucoup à dire sur ce film, souvent en mal, même si la critique est facile.

Son premier défaut – et non des moindres – est qu’il n’était pas anglais. Or, on ne peut pas demander aux Américains d’être anglais, et inversement, chacun le comprendra.

Concernant le personnage d’Emma Peel dans cette version, un titre du New York Times paru en août 1998 résume tout : « Sorry, Uma, There’s Only One Emma ». Un constat cruel, mais juste. On pourrait en dire autant de Ralph Fiennes dans le rôle de John Steed. Deux immenses acteurs, sans doute mal dirigés par une production qui n’a pas compris l’essence même de The Avengers des années 60.

Emma Peel à la radio

Le personnage d’Emma Peel a également connu une seconde vie à la radio. En 1972, une adaptation radiophonique de Chapeau melon et bottes de cuir a été diffusée sur la South African Broadcasting Corporation (SABC), avec Donald Monat dans le rôle de John Steed et Diane Appleby dans celui d’Emma Peel.

Plus récemment, la société Big Finish a accompli un travail remarquable en recréant la saison 1961 sous forme audio. Elle a également entrepris l’enregistrement d’aventures inédites mettant en scène John Steed, Emma Peel et Tara King, adaptées des comics. Dans cette version, Julian Wadham prête sa voix à Steed, Olivia Poulet incarne Emma Peel et Emily Woodward interprète Tara King.

Malheureusement, ces adaptations ne sont disponibles qu’en anglais.

Conclusion : un personnage intemporel

Emma Peel a célébré 60 ans d’existence en 2024, et son influence dans la culture populaire, la mode et les représentations féminines à l’écran reste présente. Elle incarne parfaitement une époque tout en restant une héroïne toujours d’actualité, un symbole d’indépendance, de force et de sophistication qui continue d’inspirer.

Ainsi, l’héritage d’Emma Peel perdure, son charisme et son influence ne s’estompant jamais, même après 60 ans. Elle reste l’archétype de l’héroïne moderne, fascinant et inspirant des générations entiers.

En conclusion, donnons la parole à Diana Rigg, qui, par son talent et son travail, a largement contribué à façonner son personnage :

« Emma Peel a été extrêmement importante dans ma vie et je lui en serai toujours reconnaissante. Avant de faire la série, j’étais cataloguée comme une simple actrice classique, et Emma m’a catapultée dans les foyers de gens du monde entier. Bien entendu, je suis restée très attachée à ce personnage, mais il représente quand même le passé, et un acteur se doit d’être sans arrêt à la recherche d’expériences nouvelles. »


Entretien avec Diana Rigg, fin juillet 1990, par David Fakrikian.

Fiche du personnage

  • Nom complet : Emma Knight
  • Alias : Madame Peel
  • Lieu de naissance : Doncaster, Angleterre
  • Taille : 5 pieds 9 pouces
  • Cheveux : Châtain
  • Yeux : Noisette
  • Éducation : École de perfectionnement Fulneck, ville de Leeds, Angleterre
  • Antécédents : Enfance passée à Jodhpur, Inde. Retour à Londres au milieu des années 50. A repris l’empire industriel de son père décédé à l’âge de 21 ans.
  • Durée de service : A rejoint le Département en 1965. Durée de service : 3 ans.
  • Statut matrimonial : Mariée à Peter Peel, pilote d’essai de premier ordre, disparu dans un accident d’avion dans la jungle amazonienne et retrouvée en 1967. Divorcée de Peter Peel par la suite.
  • Compétences spéciales : Très compétente en karaté/kung-fu. Tireuse experte avec toutes les armes à feu.
  • Couverture : Celle d’une femme indépendante et riche, avant-gardiste et adepte des vêtements pop’art.
  • Commentaires : Réfléchie et perspicace. Discrète et modeste jusqu’à ce qu’elle soit appelée à agir, moment où elle devient une adversaire dévouée, très efficace et dangereuse.
  • Strictement confidentiel : La relation entre l’agent Peel et l’opératif Steed tend à dépasser le cadre purement platonique. Directive de surveillance supplémentaire initiée et en cours.
  • Première apparition : The Town of No Return (1965)
  • Dernière apparition : Ne m’oubliez pas (1967) + apparition dans The New Avengers + The Avengers (film, 1997)
  • Interprétée par : Diana Rigg, Uma Thurman (film 1998)

Chronologie

1964

  • Jeu. 9 janv. Honor Blackman annonce qu’elle quitte la série The Avengers à la fin de la saison pour rejoindre James Bond.
  • Mar. 20 oct. Elizabeth Shepherd est choisie comme nouvelle partenaire de John Steed à l’écran dans The Avengers. Julian Wintle ne révèle pas encore le nom de son personnage.
  • Lun. 2 nov. Début de la production de The Town of No Return avec Elizabeth Shepherd dans le rôle d’Emma Peel.
  • Mer. 2 déc. La production est stoppée au milieu de l’épisode The Murder Market. Elizabeth Shepherd est renvoyée.
  • Lun. 14 déc. Diana Rigg est choisie pour remplacer Elizabeth Shepherd dans le rôle d’Emma Peel.

1965

  • Déc. 1964 – 8 janv. Production de l’épisode Les Aigles avec Diana Rigg.
  • Mar. 28 sept. Diffusion de Voyage sans retour, premier épisode avec Diana Rigg sur Rediffusion London.

1966

  • Ven. 4 mars L’épisode Du miel pour le prince est le dernier à avoir été produit en noir et blanc.
  • Ven. 4 mars Diffusion de L’Héritage diabolique à Londres, où l’on apprend un peu plus sur le passé d’Emma Peel. Elle est née en 1946 à Londres sous le nom d’Emma Knight et a hérité de la société de son père John Knight à 21 ans.
  • Ven. 25 mars Diffusion de Du miel pour le prince, dernier épisode en noir et blanc sur Rediffusion London.
  • Septembre Production de Les Marchands de peur, premier épisode en couleur avec Emma Peel. Début des introductions « On a besoin de nous ».

1967

  • Ven. 13 janv. Diffusion de Bons baisers de Vénus, premier épisode en couleur sur Rediffusion Television à Londres.
  • Mar. 4 avr. Les Français découvrent Emma Peel sur la deuxième chaîne de l’ORTF dans l’épisode Meurtre par téléphone.
  • Ven. 14 Avril La presse annonce le départ de Diana Rigg de la série
  • Lun. 18 avr. Fin de la production de Qui suis-je ?, dernier épisode contenant les introductions « Mrs Peel, on a besoin de nous ».
  • Sam. 6 mai Sur ABC Television, les téléspectateurs découvrent l’épisode Qui suis-je ?, dans lequel Patricia Haines joue le rôle d’Emma Peel à la faveur d’un transfert de cerveau.
  • Ven. 17 nov. Mission très improbable, dernier épisode de la saison 1967, est diffusé sur Rediffusion Television à Londres.
  • Déc. 1967 – 19 janv. 1968 Tournage de Ne m’oubliez pas premier épisode avec Linda Thorson dans le rôle de Tara King, où Diana Rigg passe le relais. Les adieux de l’actrice constituent sans conteste la scène la plus émouvante de toute la série.

1969

  • Tournage de Das diadem et les quatres épisodes de MiniKillers avec Diana Rigg

1972

1977

  • Mer. 1 juin Emma Peel fait une apparition dans l’épisode Le Long Sommeil – Le Réveil de l’ours, produit en France. Ce sont des images d’archives. Elle apparaît dans le décor de son appartement de la saison 1967, avant qu’elle ne le repeigne en vert olive avec des touches orange. On apprend alors qu’elle a divorcé de Peter Peel et qu’elle a repris son nom de jeune fille, Knight.

1986

  • Lorsque les droits de The Avengers sont vendus au producteur américain Jerry Weintraub, le projet de film refait surface. Grand fan de la série, Weintraub engage Sam Hamm (Batman) pour écrire une première version du script. Mel Gibson est alors envisagé pour le rôle de John Steed. Le scénario se concentrerait sur la rencontre entre John Steed et Emma Peel.

1994

  • Un nouveau scénario est rédigé par Don McPherson, et le concept est vendu à Warner Bros. Nicholas Meyer est approché pour la réalisation. Les rumeurs vont bon train : un caméo de Patrick Macnee, Dame Diana Rigg en fantôme d’Emma Peel… Mel Gibson et Sharon Stone incarneraient le duo emblématique.

1996

  • Après le succès de Mission: Impossible, Warner relance la préproduction du film. John Steed serait incarné par le très british Hugh Grant, tandis que Nicole Kidman prêterait ses traits à Emma Peel. Finalement, Grant est remplacé par Ralph Fiennes.

1997

  • Jeremiah Chechick est engagé comme réalisateur, malgré son inexpérience dans le genre. Il insiste pour confier le rôle de la légendaire Emma Peel à Uma Thurman. De son côté, Patrick Macnee évoque la très élégante Elizabeth Hurley.

1998

  • Ven. 14 août Sortie au cinéma de The Avengers avec Ralph Fiennes et Uma Thurman dans les rôles des agents secrets John Steed et Emma Peel, et Sean Connery dans celui de Sir August de Wynter, un savant fou déterminé à contrôler le climat mondial.

  1. John Bates (11 janvier 1935 – 5 juin 2022) était un créateur de mode anglais, actif sous le nom de Jean Varon, et figure de la scène boutique londonienne des années 1960. En 1965, il a conçu des tenues emblématiques pour Diana Rigg dans Chapeau melon et bottes de cuir, notamment des manteaux et accessoires Op-Art en noir et blanc, ainsi qu’un ensemble argenté composé d’un bustier, d’un pantalon taille basse et d’une veste. ↩︎
  2. Bonnie Cashin (28 septembre 1915 – 3 février 2000) était une costumière et styliste de mode américaine, considérée comme une pionnière du sportswear américain. Son approche innovante et fonctionnelle de la mode a marqué les années 1940 à 1970, influençant durablement le prêt-à-porter féminin.
    ↩︎
  3. Dorothy Margaret Watts (1910-1990) était une actrice britannique de théâtre et de cinéma. Après avoir joué sur Broadway et au cinéma dans les années 1920-1930, elle s’est reconvertie dans les affaires en dirigeant une entreprise de chapellerie à Londres. Plus tard, elle est devenue directrice de casting pour ABC Weekend TV et a joué un rôle clé dans le choix de Diana Rigg pour incarner Emma Peel dans The Avengers. Elle a ensuite poursuivi sa carrière en tant qu’agent de théâtre. ↩︎
  4. Lotus Cars est un constructeur automobile britannique spécialisé dans les voitures de sport et de compétition, fondé en 1952 à Hornsey (Angleterre) par Colin Chapman. Son siège social est situé à Hetheldans le Norfolk. ↩︎

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